
Tony Costa Bernard - Pexels
Un ouvrage de tous les records
Le gouvernement italien vient d’approuver la construction d’un pont suspendu de 3.300 mètres de portée. Il relierait la Sicile au continent, franchissant le détroit de Messine. Le chantier, estimé à 13,5 milliards d’euros, dépasserait de plus de 1.000 mètres l’actuel record mondial détenu par le pont des Dardanelles en Turquie (2.023 m).
Selon les renseignements rapportés par 20minutes, l’infrastructure prévoit trois voies routières dans chaque sens et deux voies ferroviaires centrales. Six mille véhicules par heure et deux cents trains par jour pourraient y circuler. Le pont serait suspendu à deux pylônes de 400 mètres de hauteur et sa longueur totale atteindrait 3,7 kilomètres. Le feu vert, donné mercredi par un comité ministériel, marque une étape décisive dans ce dossier ouvert depuis plus de 50 ans.
Un projet au cœur des tensions
Le gouvernement de Giorgia Meloni défend un projet stratégique. Il serait terminé en 2032, résisterait aux tremblements de terre et aux vents violents, et contribuerait au développement économique du sud de l’Italie. Le vice-Premier ministre Matteo Salvini assure que des dizaines de milliers d’emplois seront créés, en Sicile comme en Calabre. Il y voit une œuvre d’ingénierie « de portée mondiale ».
Mais les critiques sont nombreuses. L’association Legambiente Sicilia alerte sur les risques écologiques : le pont pourrait perturber les routes migratoires des oiseaux dans une zone marine protégée. Des élus locaux, des scientifiques et des citoyens organisés en collectifs dénoncent aussi un gaspillage d’argent public et un risque d’infiltration mafieuse dans les marchés liés à la construction.
Une motivation militaire en arrière-plan
Le consortium Eurolink, mené par Webuild, a été reconduit comme maître d’œuvre, malgré l’annulation de son contrat en 2011. Cette fois, Rome cherche à sécuriser le financement en classant le projet comme dépense de défense, via un engagement de l’OTAN. L’Italie prévoit de consacrer 5 % de son PIB à la défense, dont 1,5 % aux infrastructures stratégiques. La présence d’une base militaire de l’Alliance atlantique en Sicile renforce la candidature du pont à ce titre.
Des recours juridiques sont toutefois annoncés par des opposants, en Italie et au niveau européen. Le chantier, annoncé plusieurs fois depuis les années 1970, reste donc suspendu à de nombreuses incertitudes.