
Elisa Schu/DPA/SIPA
Devenir parent, c’est déjà un bouleversement intense, souvent accompagné de doutes, de fatigue et de remises en question. Mais au-delà des défis quotidiens, une autre forme de pression s’installe souvent sans prévenir : celle des phrases toutes faites, glissées avec bienveillance, mais perçues comme des jugements. Ces petites remarques, comme « profite, ça passe vite » ou « tu regretteras de ne pas savourer ces moments », sont monnaie courante. Pourtant, elles peuvent faire plus de mal que de bien.
Une injonction au bonheur permanent
Derrière ces phrases, l’intention est rarement malveillante. Bien souvent, elles viennent de proches déjà passés par là, empreints de nostalgie face au temps qui file. Mais pour les jeunes parents plongés dans le tourbillon de la fatigue et du chaos quotidien, ces messages peuvent sonner comme une sommation de ressentir uniquement de la joie. Ils installent l’idée qu’il serait anormal de ne pas savourer chaque minute, même les plus éprouvantes. Ce décalage entre ce que l’on vit et ce que l’on devrait ressentir alimente alors un sentiment d’échec ou de culpabilité.
La charge émotionnelle invisible
Le psychologue Matthew Scult souligne que ces injonctions génèrent souvent une distorsion cognitive. À force de vouloir profiter à tout prix, on se met une pression qui empêche précisément de savourer. De plus, elles peuvent minimiser les émotions négatives, qui sont pourtant normales dans cette période de transition. Ennui, agacement, tristesse : rien de tout cela n’est anormal. Mais en se reprochant de ne pas être pleinement épanoui, on en vient à refouler ses ressentis au lieu de les accueillir.
Accepter l’ambivalence pour mieux avancer
La parentalité est faite de contrastes : émerveillement et épuisement, amour fou et besoin d’espace. Vouloir la vivre dans un état de gratitude constante est une illusion. L’important, comme le rappelle Matthew Scult, est de reconnaître chaque émotion sans chercher à les hiérarchiser. Ce n’est qu’en acceptant l’ambivalence que les parents peuvent se reconnecter réellement à leur expérience, sans se juger ni chercher à coller à une image idéalisée. Souvenons-nous : il est possible d’aimer profondément son enfant sans pour autant savourer chaque seconde.
Sources : psychologies.com / parents.fr