
"Cette affaire aurait pu se retrouver aux assises". Dès le début de l’audience, le président du tribunal annonce la couleur. Car souvenez-vous, en février 2023 sur le parking de la poste du Chaudron, un homme tire trois balles dans la cuisse d’un autre et le laisse agoniser. Le tireur, c’est Stewart Chong-Hue, à la tête d’un vaste trafic de cocaïne.
Cinq prévenus sont attendus à la barre mais seulement quatre d’entre eux sont présents : Ben M., Guillaume R., Wilson F. et Stewart Chong-Hue. Le premier à s’avancer à barre n’est autre que Stewart Chong-Hue, originaire de Guyane et âgé de 31 ans. Dès le rappel des faits, celui qu’on appelle "Stewie", n’hésite pas à interrompre le président pour lui dire que tout est faux. Un running gag qui durera pendant les 10 heures d’audience.
Un train de vie de rêve
Les premiers débats portent sur le trafic de stupéfiants. En premier temps, le train de vie luxueux du Guyanais de 31 ans. Grosses voitures, hôtels luxueux, voyages réservés à la dernière minute. Un mode de vie qui interpelle le tribunal. Pour se justifier le prévenu explique simplement qu’il est pronostiqueur. Les rares transactions sur son compte en banque ? Il n’a pas confiance. Ses grosses liasses de billets ? L’argent des paris sportifs. Le mis en cause a réponse à tout.
Après un long questions/réponses entre le président et le principal prévenu, c’est au tour des autres mis en causes d’intervenir. Tous essayent de minimiser leur rôle au sein du trafic et n’hésitent pas à se renvoyer la patate chaude entre eux.
Malgré les accusations de ses complices qui décrivent Stewart Chong-Hue comme la tête de tout ce réseau, le Guyanais ne faiblit pas, il reste sur la ligne de défense : il n’est qu’un simple pronostiqueur et il n’a rien à voir avec ce trafic de stupéfiants. Des explications que les magistrats ont du mal à entendre.
Après une pause d’environ une heure les magistrats reprennent l’audience aux alentours de 13h45. Les débats de l’après-midi s’orientent désormais vers la violence avec arme de Stewart Chong-Hue.
La réunion du 20 février 2023
C’est sans doute cet événement qui a précipité la chute du réseau. Ce soir-là, tous les protagonistes se retrouvent à Saint-André. Une mule arrivée la veille revient avec près d’un kilogramme de cocaïne. Lors de cette entrevue, les fonds manquent pour rémunérer la mule. Celle-ci aurait ramené plus de cocaïne que prévue. Une fois les transactions effectuées, Stewie et son complice repartent avec la cargaison.
À la barre, tous décrivent une ambiance tendue lors de cette soirée du 20 février 2023. Tellement tendue que le lendemain, Guillaume R. et le guyanais de 31 ans se retrouvent sur le parking de la poste du Chaudron. Les deux commencent à se disputer. Argent, menaces rythment celle-ci.
C’est à ce moment que les versions divergent. D’après la victime des coups de feu, Stewart Chong-Hue serait reparti en trombe à sa voiture et se serait saisi d’une arme à feu avant de le mettre en joue. Une première balle puis une seconde et enfin une troisième atteignent Guillaume R. à la jambe. "Je me suis réfugié entre deux voitures, je me voyais déjà mort", dit-il au tribunal. Une version contestée par le tireur. D’après lui, Guillaume R. était armé lui aussi. "Je l’ai neutralisé" lâche-t-il froidement au tribunal. Une déclaration qui n’a pas manqué de surprendre les magistrats et le ministère public.
De lourdes réquisitions
Dès le début de son réquisitoire, le ministère public explique le rôle de chacun dans ce trafic de stupéfiants. De mule à lieutenant de Stewart Chong-Hue en passant par intermédiaire pour terminer avec la tête du réseau, tous sont coupables pour le parquet. Selon lui, tous les éléments de l’instruction montrent que c’est Stewart Chong-Hue qui est à la tête de ce vaste réseau de cocaïne. Il explique d’emblée que les justifications de ce dernier ne sont pas convaincantes. Il dresse le portrait d’un homme qui n’assume pas ses actes et qui se victimise sans arrêt. Le ministère public requiert 9 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende à l’encontre du trafiquant.
Une fois les différents quantum annoncés par le parquetier, les conseils des prévenus se succèdent pendant plus d’une heure en débattant sur le peu de preuves qu’il y a dans le dossier. Les quatre premiers avocats demandent tous des peines amoindries. Tous expliquent que leur client respectif n’a pas le rôle énoncé par le ministère public.
L’avocat de Stewart Chong-Hue, Me Barraco est le dernier à plaider devant le tribunal. Il explique aux magistrats qu’au bout de 8 heures d’audience, il y a peu d’éléments et qu’il n’y a pas de preuves matérielles. Me Barraco déplore que les investigations se soient arrêtées aux déclarations de tout un chacun. Il demande au président et ses assesseurs de revoir le quantum à l’encontre de son client à la baisse.
Avec la parole en dernier, certains prévenus décident de s’excuser, d’autres se taisent en attendant le délibéré du tribunal. C’est sur les coups de 19 heures que celui-ci tombe. Stewart Chong-Hue écope d’une peine de 8 ans de prison ferme ainsi que 100 000 euros d’amende. Ses complices s’en tirent tous avec du sursis probatoire.
Avant de quitter le prétoire pour repartir en détention, le Guyanais de 31 ans aurait chuchoté à l’un des prévenus : "je vais te retrouver".
-Loïc Vidon